La pandémie de la COVID-19 a entraîné une série de nouveaux défis pratiques pour les organisations fournissant des services sociaux partout au Canada, ainsi qu’une augmentation du stress mental, physique et financier. En conséquence de la pandémie, de récentes données suggèrent que les taux de violence domestique au Canada augmenteront de 20 à 30%. Des conversations avec les partenaires fournisseurs de service du Centre ainsi que des informations partagées avec d’autres organisations luttant contre la traite des personnes soulignent la façon dont le secteur continue de fournir des services aussi bien en personne qu’à distance alors que, malheureusement, la violence connaît une escalade et les besoins des survivants continuent d’exister.
COVID-19 et la traite des personnes
Les leaders des défenseurs et survivant(e)s de la traite des personnes comme Rhonelle Bruder, avertissent que les enfants sont à un risque élevé de conditionnement, d’exploitation en ligne et de traite des personnes. Polaris, une organisation de bienfaisance américaine, suggère que les survivants de la traite des personnes sont aussi à un risque accru de violence suite à la pandémie et c’est pourquoi les organisations de services sociaux ont reçu la tâche d’intervenir. Les complexités liées à la compréhension de la COVID-19 s’ajoutent à la liste de défis auxquels les organisations communautaires font déjà face, et qui comprennent, entre autres, la capacité limitée des refuges et des centres de traitement, les longues listes d’attente d’accès aux services, et un manque d’options de logements abordables.
Des recherches ont démontré que, pour qu’une victime de la traite des personnes quitte son trafiquant en toute sécurité, un plan doit avoir été mis en place afin d’assurer que ses besoins essentiels soient satisfaits lorsqu’elle est séparée de son trafiquant. Covenant House Toronto a récemment publié un rapport détaillé qui explore les barrières qui existent pour les personnes quittant des situations de traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Alors qu’un plan de sortie pourrait inclure des articles permettant de combler les besoins physiques, émotionnels, et financiers d’une personne, satisfaire ces besoins essentiels est difficile lorsque les contacts physiques directs ont été fortement déconseillés par les experts en santé publique, et que l’accès aux services critiques de soutien est restreint.
L’impact de la COVID-19 sur les refuges au Canada
Les refuges pour femmes violentées, pour jeunes et les unités de logement provisoire ont mis en place des mesures de dépistage de la COVID-19 dans le cadre de leurs processus généraux d’admission. Dans certaines résidences, le personnel s’occupe également de la cuisine pour le groupe afin de réduire le risque de contamination liées aux cuisines partagées. Il a également été demandé aux résidents de limiter leur accès à la communauté. Les logements partagés par deux (ou plus) de résidents doivent être repensés au cas où un client testerait positif à la COVID-19, et certains refuges fournissent des chambres privées afin de permettre un éloignement physique accru. Ceci impactera très certainement la capacité du système de refuges à accepter de nouveaux clients. Les refuges pour sans-abris ont typiquement tendance à servir un nombre de personnes plus élevé chaque jour, souvent dans de larges espaces partagés, créant ainsi un risque accru de transmission à la COVID-19 au sein des clients et du personnel. À nouveau, il a été reconnu que réduire la capacité des refuges mène à une diminution du nombre de clients logés et servis par rapport à avant. Les refuges ont préconisé que les utilisateurs des services soient relogés rapidement ou qu’on leur donne accès à des espaces privés dans des hôtels et d’autres bâtiments communautaires. De ce fait, certaines personnes itinérantes ont choisi de retourner dans la rue par raison de sécurité. Les individus vivants avec des dépendances pourraient aussi faire face à la barrière supplémentaire de devoir présenter un test négatif au dépistage de la COVID-19 afin de pouvoir être éligible à l’admission dans des centres de traitement résidentiels. À cause du nombre limité de tests disponibles et des lignes directrices qui dictent les personnes considérées comme ayant un accès prioritaire aux tests, les individus ne peuvent pas avoir accès aux soutiens à la toxicomanie en milieu hospitalier comme avant. Les restrictions actuelles sur les déplacements pourraient également être re-traumatisantes pour les personnes ayant quitté une situation de traite des personnes ou d’autres relations violentes, où le contrôle des déplacements était une tactique de pouvoir et de contrôle.
Le remplacement de la livraison de services en personne
Les organisations de soutien qui offriraient normalement de l’appui de pair en personne, des consultations sans rendez-vous, des services de conseil, de la gestion de cas, des services de santé mentale, et des services juridiques, ont transféré ces services clés à distance en utilisant différentes plates-formes numériques, y compris Zoom, les messages textes, les tchats en ligne et le téléphone. Dans certaines communautés, les systèmes de livraison de nourriture et de besoins essentiels sont aussi donnés à distance. Proposer des services à distance nécessite du temps et du capital pour acheter des logiciels et mettre en place les standards de protection de la vie privée. Les services à distance peuvent aussi nécessiter une formation supplémentaire du personnel afin d’assurer que les services continuent d’être fournis en tenant compte des traumatismes et sont sans danger, donnés dans le respect et pour le bien-être de ceux en bénéficiant. Les fournisseurs de services directs s’adaptent et travaillent fort pour satisfaire les besoins des clients, mais l’élément d’incertitude de cette pandémie ouvre la possibilité accrue que les victimes et les survivants passent à travers les mailles du filet du système.
Une réponse fédérale à ces défis
Début avril, le Gouvernement fédéral a annoncé qu’il mettrait une nouvelle subvention de $50 millions à disposition des refuges pour victimes d’agression sexuelles et de violence domestique partout au pays, ainsi que $157,5 millions pour répondre aux besoins des canadiens sans-abris. La subvention aidera les agences communautaires à fournir leurs services/leur soutien à distance tout en respectant les régulations d’éloignement physique venant des agents de la santé publique. Le 21 avril, $350 millions supplémentaires ont été libérés afin d’améliorer l’accès communautaire aux services sociaux nécessaires, dont $15 millions destinés à un Fond d’appui de la communauté autochtone. Certaines organisations autochtones au service de populations autochtones urbaines ont critiqué le processus et le manque de soutien pour les populations autochtones sans statut et urbaines. Les gouvernements provinciaux et municipaux et différentes fondations ont aussi réagi à la crise avec des financements additionnels pour le secteur social. Malheureusement, les organisations qui reposent principalement sur les collectes de dons font face à des défis après avoir été forcées à annuler ou reporter des événements de collectes de fonds. La COVID-19 a également un impact financier au sein de nombreux anciens et potentiels donateurs. Les donations de nourriture et d’autres biens ont aussi été restreintes à cause des lignes directrices de la santé publique et de l’incapacité de désinfecter adéquatement les objets. Imagine Canada a compilé une liste de ressources pour le secteur des organisations à but non lucratif pendant la COVID-19, y compris des articles sur le Fond d’appui communautaire d’urgence et sur des stratégies de collectes de fonds pendant la pandémie.
Il est difficile de dire ce à quoi le secteur des services sociaux ressemblera au lendemain de la COVID-19. Tout comme de nombreuses entreprises du secteur privé, certaines organisations de services sociaux ont fermé, ou seront forcées de fermer. Selon les prévisions de Imagine Canada, les organisations caritatives canadiennes pourraient connaître une diminution de leurs revenus de l’ordre $9 à $15 milliards, ce qui pourrait mener à la perte de 10,000 emplois. Ceci est alarmant, surtout dans un secteur déjà en manque de ressources et avec d’importantes lacunes. Bien que ce soit une période d’importantes difficultés et de changements sans précédents pour tout le monde au Canada, les agences communautaires se sont montrées à la hauteur de ces défis en les combattant avec humilité, grâce, et persévérance. Nous sommes inspirés par les efforts créatifs réalisés pour reloger les personnes sans logement, par la compassion et la détermination que nous voyons chez nos partenaires envers ceux qui cherchent du soutien, par la flexibilité dans la création de nouveaux moyens d’accès au soin, et tous ceux qui militent pour des soutiens et des ressources complets continus. Le secteur des services sociaux continue d’être une pièce essentielle d’infrastructure du soutien des communautés partout au Canada, et nous sommes fiers de les compter parmi nos partenaires.
Ressources supplémentaires
CNH3 : Ressources pour aider le secteur des sans-abris à répondre à l’épidémie de COVID-19 (en anglais)
Imagine Canada : garder votre organisme sur la bonne voie
Imagine Canada et Grant Connect : Ressources pour les collectes de fonds canadiennes
Cadre de réponse pour les personnes sans-abris pendant COVID-19 (en anglais)