*Le Centre reconnaît que les maisons d’hébergement partenaires doivent constamment gérer les tensions entre le financement et la capacité. Le Centre continue de revendiquer auprès de tous les ordres de gouvernement un plus grand nombre de services et de soutiens, particulièrement des programmes d’hébergement d’urgence, transitoire et à long terme.
Les victimes et les survivants de la traite des personnes éprouvent souvent de la difficulté à dénicher des services sociaux et des appuis qui répondent à leurs besoins et qui témoignent d’une compréhension de leurs expériences. Au Canada, on compte un faible nombre de programmes qui concernent précisément la traite des personnes. Ces programmes sont souvent situés dans les grandes villes et s’adressent fréquemment à un certain groupe d’âge. Grâce à la défense des droits et à la mobilisation des connaissances, plusieurs collectivités au pays ont maintenant accès à une maison d’hébergement locale pour les personnes victimes de violence familiale ou conjugale.
Les enjeux associés à la traite des personnes et à la violence familiale sont souvent interreliés. Il est parfois presque impossible de déterminer à quelle catégorie se rapporte l’expérience d’une personne. La traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle au Canada se produit fréquemment dans le contexte d’une relation intime ; il est courant qu’un trafiquant soit un ami de cœur ou un tuteur. De manière semblable, la traite des personnes à des fins d’exploitation du travail peut aussi survenir au sein de relations conjugales ou familiales. En raison de ces similitudes, il n’est pas surprenant que des victimes et des survivants de la traite des personnes choisissent parfois de se tourner vers des maisons d’hébergement pour victimes de violence conjugale et familiale, qui sont plus accessibles, afin d’obtenir du soutien. De plus, les renseignements sur la traite des personnes et la représentation de ce problème n’étant pas toujours fiables ou exacts, les victimes et les survivants ne reconnaissent pas toujours qu’ils ont vécu une expérience de traite. Par conséquent, d’autres fournisseurs de services sociaux, particulièrement les maisons d’hébergement pour victimes de violence conjugale ou familiale, peuvent constituer le premier point d’entrée dans un système de soutien.
Les maisons d’hébergement peuvent jouer un rôle essentiel d’intervention dans la traite des personnes. Elles sont dans une position particulière pour le faire en raison de leur accessibilité et des éléments suivants : a) une intervention constante 24 heures sur 24, sept jours sur sept; b) des protocoles de sécurité améliorés; et c) une formation utile pour comprendre les répercussions complexes de la violence sur une personne et ses proches et s’y attaquer. Malgré cela, certaines maisons d’hébergement ont exprimé leur réticence à accueillir des victimes de traite. Elles disent clairement qu’elles ne refuseront pas quelqu’un qui a besoin de soutien, mais elles semblent croire que les besoins des victimes et des survivants de la traite des personnes dépassent la portée et l’expertise des services. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette réaction : les services sont souvent sous-financés et fonctionnent généralement à pleine capacité; les maisons d’hébergement tentent déjà d’appuyer des personnes ayant des expériences variées et les fournisseurs de services sont souvent confrontés à la tâche complexe d’adapter les programmes actuels aux différents besoins des utilisateurs des services; et des ententes de financement strictes déterminent souvent la clientèle pouvant être desservie par chaque programme. Pourtant, les expériences des gens se résument rarement à des incidents isolés clairement définis.
La bonne nouvelle, c’est que les processus liés à la prestation de services ont évolué au cours des dernières années et ont permis à de nombreuses organisations de se concentrer sur des soins qui tiennent compte des traumatismes et qui sont centrés sur la personne. Les organisations peuvent offrir des services adaptés sur le plan culturel, adopter des cadres relatifs à la réduction des méfaits et faire partie de réseaux de collaboration. Ces principes et pratiques représentent les outils de base pour appuyer les personnes qui ont vécu une expérience de traite.
Le Centre reconnaît que certaines politiques institutionnelles peuvent ne pas être négociables ou souples. Comme toute approche qui tient compte des traumatismes, une communication claire est essentielle. Le tableau ci-dessous présente des recommandations pour continuer de renforcer la capacité des maisons d’hébergement pour victimes et survivants de violence conjugale et familiale afin de répondre aux besoins des victimes et survivants de la traite. La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes peut être utile pour comprendre les services et soutiens supplémentaires (1 833 900-1010).
Obstacles possibles pour les survivants de la traite dans l’accès aux services des maisons d’hébergement | Intervention(s) possible(s) de l’organisation |
Le mandat de l’organisation ne comprend pas la traite des personnes. | En tant qu’organisation, commencez à explorer les liens entre les diverses formes de violence, les similitudes (p. ex., les dynamiques de pouvoir et de contrôle) et les différences (p. ex., plusieurs sources d’exploitation). Commencez à élaborer une justification pour inclure de manière plus rigoureuse et utile les victimes et les survivants de la traite, et efforcez-vous de diversifier les ententes de financement dont la portée est particulièrement étroite. |
Les indicateurs de la traite ne sont pas remarqués par le personnel lors de l’accueil. | Très peu de victimes et de survivants de la traite des personnes obtiennent du soutien en comprenant déjà clairement qu’ils ont vécu une expérience de traite. Cependant, en écoutant leur histoire ou lors de l’évaluation à l’accueil, le personnel de la maison d’hébergement peut déceler des indications à l’effet qu’ils ont en réalité été victimes de traite et les employés peuvent alors poser d’autres questions pour bien comprendre la situation. Pour ce faire, il faut avoir suivi une formation de base sur la traite des personnes et les ressources ci-dessous peuvent être un point de départ utile : https://stoptraitedesautochtones.com http://aiderlesvictimesdelatraitedepersonnes.org B.C.’s Office to Combat Trafficking in Persons (en anglais seulement) Pensez à offrir d’abord une formation plus poussée sur la traite des personnes à un ou deux membres de l’équipe. Ces personnes peuvent consulter le personnel de l’organisation et échanger avec eux, en plus de coordonner des soutiens ou des services externes lorsqu’ils sont confrontés à des cas possibles de traite. La Ligne d’urgence canadienne contre la traite des personnes est également accessible au personnel des services sociaux. Ces derniers peuvent s’entretenir avec des spécialistes pour mieux connaître les indicateurs de traite possibles, élaborer un plan de sécurité et coordonner des appuis supplémentaires. |
Vérifications obligatoires des antécédents judiciaires | Les trafiquants peuvent forcer ou convaincre une victime de la traite à commettre d’autres crimes, comme des vols, des délits associés à la drogue ou même du recrutement d’autres personnes à des fins de traite. Cela fait partie du processus d’exploitation et un trafiquant peut se servir de cette tactique dans le but de préserver son pouvoir et son contrôle, en sachant que la personne risque de ne pas avoir accès à d’autres services ou soutiens si elle essayait de s’enfuir. Si vous exigez des vérifications d’antécédents judiciaires, assurez-vous de bien en comprendre la raison et les mesures découlant de certaines accusations criminelles (p. ex., chambres privées, services juridiques offerts en partenariat, plans de sécurité avec la personne et les employés d la maison d’hébergement). |
L’attente que les survivants nommeront la personne qui a abusé d’eux | Les victimes et les survivants de la traite peuvent avoir très peur de nommer la personne qui a abusé d’eux. Ils peuvent avoir reçu des menaces qui les visaient personnellement ou qui concernaient leurs proches et qui avaient pour but de les empêcher de parler de l’exploitation subie. De plus, ils peuvent avoir été abusés par plus d’une personne. Si la question est essentielle, expliquez à la personne pourquoi vous désirez obtenir un nom et donnez-lui du temps et de l’espace pour répondre. |
Exigences obligatoires du programme | Voilà un enjeu difficile parce que les pratiques qui tiennent compte des traumatismes accordent de l’importance à la constance et à la routine et aux approches personnalisées en matière de prestation de services. Alors que les organisations continuent de recevoir de la formation et de mieux comprendre la traite des personnes, le personnel peut commencer à dialoguer avec les survivants au sujet de leurs expériences et s’informer sur les façons dont le programme auquel ils participent peut avoir une incidence positive ou négative sur eux. Offrir des renseignements et un choix aux participants des programmes pourrait améliorer à la fois la prestation des services et l’expérience du service. |
L’attente que les personnes quittent la maison d’hébergement pendant certaines heures | Lorsqu’ils sont dans la communauté, certains survivants peuvent avoir très peur de rencontrer les trafiquants, d’anciens clients ou d’autres personnes qui ont vécu une expérience de traite avec eux. À cause de leurs traumatismes, ils peuvent aussi avoir à tout moment des réactions associées à un trouble de stress post-traumatique et ils peuvent avoir l’impression qu’ils ne sont pas entièrement soutenus lorsqu’ils se trouvent à l’extérieur de la maison d’hébergement. Essayez d’adopter une approche progressive ou séquentielle pour appuyer un survivant pendant qu’il gagne en confiance pour se débrouiller seul en communauté. Pensez à discuter de plans de sécurité (physique et émotif) avant que les personnes n’affrontent la communauté de manière indépendante. |
Exigences en matière d’identification | Les victimes et les survivants peuvent ne pas avoir de pièces d’identité avec eux, soit parce qu’ils sont partis sans une grande planification au préalable, soit parce que les trafiquants ont conservé ces pièces. Dotez-vous d’un processus pour aider les personnes à se procurer de nouvelles pièces d’identité. |
Les tensions entre les participants du programme ayant vécu différentes expériences et le stigmate à l’égard de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de la participation à l’industrie du sexe | Les conflits sont inévitables. Travaillez avec les participants et le personnel pour leur permettre, grâce à la psychopédagogie, de comprendre leurs propres biais et leurs propres réactions au stress, et renseignez-vous sur les liens entre les expériences individuelles. |
Exigences relatives au genre | Des personnes ayant des identités de genre différentes peuvent avoir vécu une expérience de traite. Bien qu’elles soient en bonne posture pour intervenir auprès des victimes et survivants de la traite des personnes, la majorité des maisons d’hébergement travaillent strictement avec des femmes cisgenres, alors que d’autres acceptent également des femmes transgenres. Les hommes cisgenres, trans ou les personnes qui ne se conforment pas à un genre précis peuvent être hébergés dans des hôtels ou d’autres unités, mais n’ont souvent pas accès à l’ensemble des appuis qui confèrent un caractère si spécial aux maisons d’hébergement pour victimes de violence conjugale ou familiale. Pensez à revendiquer des services globaux, peu importe l’identité de genre, grâce à des programmes de sensibilisation accrue, des zones non genrées dans la maison ou des refuges spécialement désignés pour les clientèle actuellement mal desservies. |
Ressources supplémentaires (en anglais seulement ) :